L’armée algérienne est une institution névralgique mais, soixante ans après l’indépendance, son histoire reste très peu documentée : ce livre, totalement dépassionné, écrit avec la froide rigueur d’une historienne, restitue à sa juste mesure, et en l’incarnant, la place de l’armée dans le système politique algérien. L’Armée de libération nationale (ALN), en tant qu’unique force organisée dans le pays a, de fait, préfiguré l’État indépendant. L’ascendant de l’État-major de l’ALN en 1962, le coup d’État du 19 juin 1965, la tentative de putsch du chef d’état-major en 1967 ainsi que d’autres péripéties ont d’emblée situé l’armée au cœur du pouvoir et de ses tumultes. De fait perçue comme « une boîte noire », l’armée est à l’origine de nombreux mythes, voire de fantasmes – ainsi des expressions médiatiques telles « les BTS » (Batna-Tébessa-Souk-Ahras) ou « les DAF » (Déserteurs de l’armée française). Saphia Arezki s’applique à les déconstruire avec précision à travers l’étude concrète de la trajectoire d’officiers de l’ANP ayant contribué à la construction de l’armée nationale moderne. Le livre dévoile comment Houari Boumediene a assuré, dans une démarche pragmatique voire tâtonnante, la transition entre une armée de libération et une armée nationale, conciliant l’impératif politique d’intégrer les grands chefs de l’ALN et celui d’impliquer les compétences techniques. Il retrace également les évolutions qui se sont faites par la suite au sein de l’armée avec l’arrivée de Chadli Bendjedid au pouvoir. La mise en relief du parcours des hommes et des groupes dans leur contexte historique apporte un éclairage remarquable sur la construction aussi bien de l’institution que de l’État indépendant.