Nourri dès son plus jeune âge de la foi musulmane et de la pensée française, Mohammed Talbi se situe au croisement de deux traditions : l'islam, tout d'abord, dont il demeure un fidèle à la fois lucide et fervent ; la raison moderne occidentale ensuite, avec tout ce qu'elle implique de rigueur méthodologique et d'ouverture au monde.
Interrogé par la philosophe Gwendoline Jarczyk, le grand historien tunisien nous fait partager son enthousiasme et son incomparable savoir sur la civilisation de Cordoue et celle de Bagdad, sur les figures d'Averroès et des grands mystiques soufis, sur les possibilités d'un dialogue fécond entre l'islam et le christianisme. Il aborde aussi les discordances théologiques entre les deux religions, et affirme avec conviction les positions musulmanes concernant Jésus, les évangiles et les dogmes chrétiens.
Engagé, en tant que croyant, dans le dialogue interreligieux, Mohammed Talbi l'est aussi, dans son pays, en tant que penseur et défenseur de la liberté. Il analyse sans complaisance l'échec de la démocratie dans le monde arabe, et dénonce avec énergie l'écrasement de la Tunisie sous la botte du dictateur Ben Ali. Ses paroles cinglantes, portées par le prestige et l'acuité du grand intellectuel qu'il est, nous donnent là une admirable leçon d'humanité et de courage.