Le passé de la Russie, au triple point de vue de la civilisation, de l'ethnographie et de la linguistique, se présente à nous sous l'aspect d'un vaste palimpseste dont les origines remontent bien au delà du IXe siècle, date officielle de la formation de l'État russe. L'histoire de la Russie, tel un chêne millénaire, a de puissantes et multiples racines qui ne sont slaves que dans une faible proportion. C'est pourquoi il serait contraire à la logique et à la vérité historique de fixer les débuts de l'histoire de ce pays à l'apparition dans la plaine russe des premières tribus slaves.
Qui oserait rattacher l'aube de l'histoire de France à l'apparition des Francs, ou le commencement de l'histoire de l'Angleterre à la conquête des îles Britanniques par les Normands, ou encore celle de l'Italie à l'arrivée des Goths et des Lombards dans la vallée du Pô ? L'histoire de la France, de l'Angleterre et de l'Italie serait totalement incompréhensible si nous ne la rattachions à l'histoire de la Gaule, de la Bretagne et de l'Italie romaine. D'autre part, toute la civilisation moderne aurait un aspect bâtard si on ne la faisait dériver de la civilisation gréco-romaine.
Ce qui est vrai pour l'Europe occidentale ne l'est pas moins pour les territoires de la Russie moderne. L'histoire de la Russie, répétons-le, serait une chose incompréhensible sans l'existence d'une longue période prékiévienne et de même toute la civilisation russe resterait une énigme historique si on ne la rattachait à la civilisation antique de la plaine russe.