Adolphe raconte l’inexorable décomposition d’une relation amoureuse. Après avoir séduit Ellénore par vanité plus que par amour, Adolphe ne parvient ni à rompre ni à aimer. Son indécision, entre sincérité et mauvaise foi, ainsi qu’une sorte de sadisme mêlé de compassion, précipiteront la course à l’abîme de ce couple fatal. Échappé comme par mégarde de la plume de Constant pour se divertir de ses déboires sentimentaux avec Charlotte de Hardenberg et Madame de Staël (c’est une certaine conception de la genèse du texte), Adolphe est un chef d’œuvre du roman d’analyse : une « histoire assez vraie de la misère du cœur humain »
Résumé
La fiction commence par un « avis de l’éditeur » qui précise les conditions d’une rencontre qu’il a faite, dans une auberge de Calabre, avec un inconnu décrit comme le type même du mélancolique. Nous sommes censés lire le manuscrit que cet inconnu aurait abandonné après un départ précipité et que l’éditeur a pu récupérer. Le récit proprement dit commence ensuite. Après avoir décrit les relations distantes qu’il entretient avec son père, Adolphe nous raconte qu’il quitte Göttingen pour se rendre dans une autre ville allemande, où il se mêle aux courtisans d’une petite cour princière. Il s’y fait délibérément une réputation de « légèreté, de persiflage et de méchanceté ». Pour remplir un vague besoin d’être aimé, il séduit une femme de dix ans son aînée, très belle mais socialement déchue. Cet amour naissant court au don de mercy mais l’union des amants se dégrade très vite : « Ce n’étaient pas les regrets de l’amour, c’était un sentiment plus sombre et plus triste ; l’amour s’identifie tellement à l’objet aimé que dans son désespoir même il y a quelque charme… ». Inquiet de voir son fils compromettre de belles espérances de carrière dans cette liaison scandaleuse, le père d’Adolphe lui ordonne de le rejoindre ; mais Ellénore est prête à tout sacrifier, enfants, fortune et protection, pour garder son jeune amant auprès d’elle. Adolphe se soumet à sa maîtresse, lié par un don si exorbitant ; mais bien vite il se détache d’elle, et même, il s’aperçoit avec horreur qu’il ne l’a jamais véritablement aimée.
Habile à le dissimuler, il reste toutefois avec Ellénore, laquelle ne tarde pas à comprendre qu’elle ne lui est plus rien. Ne parvenant pas à rompre, les amants prennent la fuite et se fixent à Caden, ville de Bohème où Adolphe rencontre un ami de son père, le baron de T***. Ce dernier lui représente toute l’impasse d’une telle situation et qu’Ellénore n’est qu’un obstacle entre toutes les voies de la carrière et lui. Adolphe répond par les plus vives protestations d’amour et de fidélité à l’égard de sa maîtresse. Mais il finit tout de même par prendre la résolution de rompre ; et pour mieux s’y tenir, il l’écrit dans une lettre qu’il adresse au baron. Celui-ci ne laisse pas de la faire parvenir à Ellénore : terrassée d’affliction, elle meurt peu après. Loin d’être libéré, Adolphe mène à partir de là une existence morne et désespérée qu’il traîne jusqu’à Cerenza où nous le trouvons au début du roman, tel que décrit dans “l’avis de l’éditeur”. En guise d’épilogue, un correspondant anonyme adresse à l’éditeur une lettre explicative dans laquelle il l’incite à publier le manuscrit : « L’exemple d’Adolphe ne sera pas moins instructif, si vous ajoutez qu’après avoir repoussé l’être qu’il aimait, il n’a pas été moins inquiet, moins agité, moins mécontent ; qu’il n’a fait aucun usage d’une liberté reconquise au prix de tant de douleurs et de tant de larmes ; et qu’en se rendant bien digne de blâme, il s’est aussi rendu digne de pitié ». Le roman s’achève par une réponse morale de l’éditeur qui accepte la publication et condamne l’attitude du héros : « chacun ne s’instruit qu’à ses dépens… Les circonstances sont bien peu de choses, le caractère est tout…»